4 novembre 2022

Aphantasie

Comme 2% de la population, je suis aphantasique, c’est-à-dire que je ne suis pas capable de visualiser une image dans ma tête. Cela peut poser un problème pour reconnaître les visages, retenir le nom des personnes que je rencontre (ne prenez pas la mouche si je ne vous reconnais pas d'une fois à l'autre), mais cela fait aussi que je n’ai pas de problème avec les abstractions. L’aphantasie est connue depuis longtemps comme un problème pouvant arriver après un accident cérébral, mais on a découvert il y a peu (2015) que certains naissaient comme ça.

J’ai donc un esprit plutôt porté sur les mathématiques et la logique, car je réfléchis de façon abstraite. C’est sûrement pourquoi je me suis naturellement dirigé vers les métiers de l’informatique. J’ai eu un parcours scolaire chaotique, car je n'étais jamais en adéquation avec l’enseignement que l’on me prodiguait, j’ai dû me former tout seul. J’ai commencé à apprendre la programmation dès mes 11 ans (1982), à l’époque, je dévorais les magazines d’informatique qui expliquait comment fonctionnaient les ordinateurs, et je lisais des listings de programme en Basic.

Évidemment, vous n’en avez rien à faire, mais je vous le dis pour illustrer le fait que nous ne sommes pas tous identiques, nos cerveaux diffèrent même sur la façon de visualiser le monde et donc sur notre façon de penser et d’apprendre. Avec 2% de la population aphantasique, chaque enseignant devrait avoir un élève ayant ce problème tous les deux ans. Évidemment, s’il y a l’aphantasie, il y a sûrement plein d’autres types de cerveaux avec leurs particularités. Ce sont des enfants qui seront peut-être en échec scolaire, juste parce qu’ils ont un handicap invisible, alors que leur intelligence est normale. Il faudrait peut-être juste une autre manière d’enseigner.

Pour moi, il n’y a pas de bonne façon d’apprendre, mais des façons adaptées à un certains enfants. Dire qu’un enfant a des facilités dans tel ou tel domaine me semble réducteur, car c’est considérer que des matières correspondent mieux à certains types de cerveaux, et donc c'est considérer aussi qu'il n'y a qu'une approche par matière. C’est en partie vrai, bien sûr, mais cela fait fi de l’enseignement et surtout de l’enseignant. J’ai l’intuition que tous les enfants peuvent apprendre tout, mais pas de la même manière, et qu’il faut donc adapter son enseignement pour chaque enfant, même si de grande ligne doivent exister. Je suis sûr que la majorité des enseignants le font intuitivement, mais sans outil universitaire, et en tout cas, sans outil institutionnel (enfin, c’est l’impression que j’en ai).

Peut-être aussi, que les enseignants sont humains, et qu’ils ont eux aussi un cerveau, et que certains enseignants sont incapables de comprendre les difficultés d’enfants au type de cerveau trop éloigné du leur. C’est peut-être cela que devrait mesurer les évaluations de maternelle. Non pas, mesurer les compétences, mais mesurer la capacité d’apprendre avec telle ou telle méthode. Ainsi, nous pourrions améliorer la vie scolaire, en répartissant les élèves dans des classes dont l’enseignant leur correspond le mieux, rendant les enfants plus épanouis et le travail du professeur plus motivant. Peut-être que le tri par niveau de compétence est obsolète, et qu’il vaudrait mieux trier par type d’enseignement.

Cela demanderait un gros travail de recherche afin de classifier les dfférents types de cerveau et d'enseignement adapté, suivit d'une refonte complète de l’école, et donc une remise en question des dogmes en cours. Mais cela permettrait de mettre en place la réussite de tous les élèves, supprimant la constante macabre, car elle n’aurait plus de sens. Cela augmenterait le plaisir d’enseigner, le plaisir d’apprendre, dans une spirale de bienveillance et de réussite.

Il faudrait pour cela une vraie volonté politique, un changement de structure de l’éducation nationale. Évidemment, je ne suis personne pour dire cela, je ne suis qu’un ancien élève, un ancien parent d'élève (mes trois enfants ne sont plus à l’école de la République). Mais au fur et à mesure de l’avancement de mes applications, et surtout de JeValide, mes réflexions vont de plus en plus vers le pourquoi du comment de tout cela, et je souhaitais partager celles-ci avec vous.

Emmanuel CROMBEZ